mercredi 6 août 2014

Visiter, ou pas, l'expo L'Instant de voir aux Champs Libres ?

L'Instant de voir, c'est la sélection d'une vingtaine d'oeuvres - vidéos et photos - sur le thème de l'eau. Elles ont été crées de 1998 à aujourd'hui par les artistes ayant étudié au Fresnoy, à Tourcoing : l'école d'art audiovisuel à la renommée internationale. Une bonne partie des oeuvres valent le détour, pour leur portée esthétique ou leur visée documentaire. Les autres seraient mieux dans un labo de recherche. Dommage que la scénographie ne soit pas adaptée.

Beau, tout simplement

Manon Le Roy nous livre une magnifique vidéo expérimentale, Continuum, dans laquelle elle a joué, sous l'eau, avec les formes, les ombres et lumières. Comment des corps sculpturales- des danseurs synchronisés plongés et immobilisés dans la piscine Saint Georges, à Rennes - se révèlent-ils dans un univers aqueux et faiblement éclairé ? Un résultat étrange, hypnotique et resplendissant.
 Fom 1 ne saute pas aux yeux. Attention à ne pas la louper ! L'artiste Christian Rizzo projette l'ombre chinoise de son corps en feu sur un mur blanc. Fascinant !
Quand à Laëtitia Legros, elle convoque, dans son court-métrage Entre un oeil et l'autre, les mouvements gracieux d'un danseur sur lequel se calque en direct le geste de sa main qui dessine la chorégraphie.

Oeuvres percutantes

La création de Mohammed Bourouissa, Temps mort,  fout une claque ! La vidéo vaut pour son engagement. Elle révèle les conditions inhospitalières de l'enfermement carcéral. Mais pas seulement, d'autres ont cette vertu documentaire- Faraw ka taama de Seydou cissé, Les eaux de Kapwani Kiwanga, Le pont n'est plus là de Tsaï Ming-liang, etc.
Les conditions dans laquelle elle a été tournée sont originales et admirables. Mohammed Bourouissa est parvenu à transmettre un téléphone portable à un prisonnier. Et ce, afin que l'enfermé puisse lui envoyer des photos de son environnement. La communication ne s'effectue que par SMS. C'est bouleversant, mais sans misérabilisme puisque pas dénué d'autodérision.
Dommage que l'oeuvre de Claire Pollet, Réserve, pourtant fort intéressante, ne soit pas mise en valeur. Le médium utilisé, la photographie, ne permet pas de montrer l'évolution impressionnante de sa création. Elle a cryogénisé tous les livres étudiés pendant son cursus. Puis, a laissé fondre le bloc de glace. Sa bibliothèque idéale a-t-elle survécu ?

Hermétiques

Certaines oeuvres restent impénétrable. En recherchant la vague est a prendre au sens littéral. Gaëtan Robillard expose une étude sur la vague, d'un point de vue philosophique, mathématique et plastique. Il y a certes une réflexion, mais qui semble bornée aux méninges de l'artiste.
De même pour Coagulate, de Mihai Grecu, qui renvoie direct l'artiste dans sa tour d'ivoire. La vidéo d'une anguille, qui agonise hors de l'eau, et du torse nu d'un homme, qui suffoque dans l'eau, a néanmoins le mérite de susciter une émotion : l'angoisse.
 

Mauvaise scénographie

La salle Anita Conti est trop petite pour accueillir 17 oeuvres, dont la majorité sont des vidéos. Résultat : l'impression d'étouffer, laquelle est accentuée par la pénombre. Et la difficulté à se concentrer sur une vidéo, puisqu'on entend aussi le son de celle d'à côté.
Même si Le Fresnoy ne le souhaitait pas - dixit la médiatrice -, plus de médiation aurait été la bienvenue. Certes, l'art peut émouvoir sans explication. Mais, en l'occurrence pour cette exposition, certaines créations, particulièrement difficiles, méritaient ne serait-ce qu'unecontextualisation. Sans forcément rechercher un sens sous-jacent.
En niant ce besoin que peuvent exprimer les visiteurs - particulièrement ceux des Champs Libres -, les artistes risquent d'alimenter cette pensée dangereuse et fausse, à savoir que l'art actuel n'est que snobisme et reproduction de la culture dominante

 

Du 20 juin au 24 août, L'Instant de voir, aux Champs Libres. Tarif de 2 € à 3 €









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